Se découvrir soumise après 40 ans – Ayamé
On m’entend souvent dire : « On est toujours le vieux de quelqu’un ». Ça marche aussi avec riche, gros(se) ou idiot(e). Ceci simplement pour préciser que l’on peut être jeune, mince et belle aux yeux de quelqu’un, même quand on ne l’est pas ou plus, et que l’intelligence n’est pas l’apanage des seniors. On est aussi tous le con de quelqu’un.
Tout ça pour dire qu’il n’y a pas d’âge limite pour faire des découvertes, être un(e) débutant(e) ou entamer quel changement que ce soit, si ce n’est la limite de votre corps qui exécutera de moins en moins bien certains exploits du quotidien.
Toujours est-il que je me suis révélée soumise sur le tard, en toute relativité. J’avais 45 ans. Le mot ‘révélée’ n’est pas choisi au hasard, car je pense que j’étais une soumise qui ignore le concept même de la soumission bien avant que je ne trouve ma place aux pieds de mon Maître en 2019.
Alors pourquoi a-t-il fallu attendre 45 ans et comment s’est déroulé cette découverte ? Pourquoi a-t-elle été possible ? Aurait-elle pu ou dû se dérouler plus tôt ? Je m’en vais vous le raconter. Je poursuivrai par un petit bilan intermédiaire de mon fleurissement BDSM aussi tardif que jouissif et qui, sans être exempt de difficultés, est largement favorable, dans mon cas et à ce stade !
Le corps et le sexe, c’est BIEN !
Premier postulat et terreau fertile pour toutes sortes d’explorations et de découvertes ultérieures : j’ai reçu une éducation libérale et décomplexée. Je suis originaire du nord de l’Europe et là d’où je viens on appelle un chat un chat et la nudité n’est pas sale ni honteuse. On parle de sexe sans tabou, mais pas pour le plaisir ou pour la « culture sexe » : on en parle généralement pour des raisons éducatives et/ou fonctionnelles. J’ai donc grandi en ayant pu montrer mon corps, en parler, mais j’ai dû seule en retirer la substantifique moelle : le plaisir. La raison pour laquelle j’allais utiliser mon corps et comment j’allais le faire. Ceci aussi me fut favorable des années plus tard lorsqu’il s’est agi de faire évoluer mes goûts pour aller vers des pratiques moins ordinaires, car il n’y a jamais eu de honte ou de tabous sur le sexe.
Deuxième prédisposition à l’exploration d’un autre monde sensuel : j’aime le sexe, parmi les autres plaisirs de la vie. Je suis une grande amoureuse aussi et je croque la vie à pleines dents, même si elle me le rend parfois bien. Mon corps et mon coeur savent vibrer vite et fort, et avec l’expérience et les années il me semble que cela s’accentue ; Je vis mes expériences sans retenue ou presque et suis depuis peu affranchie d’une partie de mes croyances et des carcans sociaux insinués dans ma vie d’adulte. Ce dernier point, très actuel, m’est d’ailleurs compliqué à gérer tant il est libératoire.
Le printemps en automne
Comme avant tous les changements majeurs que l’on opère dans sa vie, il y a un terreau plus ou moins favorable (je viens de vous raconter le mien) puis un contexte, puis un déclencheur : cela peut-être une rencontre déterminante, un échec cuisant, une révélation, une inspiration fulgurante, un accident, un traumatisme, ou tout ça à la fois comme ça peut arriver.
Mon contexte présent, lorsque je suis entrée en contact avec le BDSM, plus précisément la D/S, et que j’ai pu reconnaître la soumission comme étant une posture satisfaisante et naturelle pour moi, était tout aussi favorable que mon empreinte passée : j’étais une page blanche et je n’avais pas d’idée, mais tout était possible. C’était au début de l’automne et c’était le premier printemps de ma vie de soumise.
Pour prolonger la métaphore, j’avais envie d’écrire sur cette page blanche. Un essai, un polar, de courtes nouvelles? Tout était possible. J’avais encore et toujours l’envie d’écrire. Créer et vivre mon histoire. J’avais la foi en moi, un stylo…. et ma page blanche.
Les précédentes pages du livre, j’allais bientôt cesser d’y revenir. Il était temps d’avancer. De toute façon elles n’avaient pas de sens, après tout. Et puis le papier est tout froissé, déchiré, certaines pages sont collées, beaucoup de mots sont dilués et le tout est gondolé et durci par l’humidité morte et les fungus séchés de l’histoire d’avant. J’étais à une phase de ma vie ou le passé avait fini d’exister et où le présent demandait à être créé.
Le futur ne comptant pas à ce moment. Bien trop abstrait lorsque l’on réapprend à poser de pieds parterre.
Le bon moment, le bon endroit, la bonne personne
Être soumise, c’est un choix important, une volonté même. Il faut comprendre et s’investir pour bien s’offrir. Il faut faire preuve de dévouement et d’abnégation mais surtout, surtout, il faut trouver son bonheur dans cela.
Mon Maître, et je ne sais pas si il est unique en cela, ne se « récompense » qu’avec cela : Mon bonheur de soumise.
Je l’atteins grâce à lui et par les « épreuves » qu’il « m’inflige ». Il aime me dominer parce que je m’épanouis sous sa domination. C’est un win-win, sans conteste.
Cette opportunité, il me l’a offerte sans que je puisse voir le cadeau qu’il me faisait. C’était risqué pour tous les deux, d’autant plus que des sentiments amoureux se sont installés très tôt, avant tout contact physique, même avant notre premier baiser. Je me suis vue offrir la découverte d’un monde sulfureux dont j’ignorais TOUT. Je n’avais même pas lu ou vu 50 nuances de Grey. Pas intéressée. C’est dire !
L’allégorie de la cuisine épicée
Pour prendre une autre métaphore, c’est un peu comme si j’avais un voisin venu d’Asie, exotique, un peu secret et qui se passionne pour la cuisine de son pays qu’il aime faire découvrir car elle est, selon lui, la meilleure cuisine du monde. Je le croise et il me parle régulièrement de ses meilleures recettes. J’apprends qu’il essaye de savoir tout sur l’art culinaire de son pays. Il utilise des ingrédients qui me font inconnus et qui portent des noms que j’entends pour la première fois. Moi, tout ce que je sais, c’est que c’est une cuisine très très épicée qui a la réputation de ne pas convenir à tous les palais.
Étonnamment, il ne me parle pas tant d’ingrédients ou de technique. Il s’intéresse bien plus à l’effet qu’il fait sur ses convives avec ses plats. C’est leur mimique faciale d’appréciation silencieuse d’un plat exquis qu’il guette. Il me parle d’assemblages inédits de saveurs, de l’entrain qu’il a à faire les marchés et réunir pour ce convive ou cette occasion les meilleurs produits, de son plaisir fin à varier le dosage des épices et du piment pour s’adapter à ses invités et à leurs goûts individuels, de son besoin de se projeter dans la soirée et dans l’enchaînement harmonieux des mets. Et dresser la table fait aussi partie de l’expression de sa passion.
Il m’intrigue. Il parle avec tant de passion !
J’ai envie de goûter à sa cuisine. Moi qui ne connais rien à la cuisine asiatique mais qui aime plutôt bien les plats un peu relevés… mais pas trop!
Je comprends vite que cet homme m’invite dans son monde.
Je me lance…?
Voilà. J’ai l’opportunité de goûter à la D/S. J’hésite, j’ai peur, je réfléchis, j’explore et je m’épuise à essayer de voir ce qu’il peut y avoir derrière cette porte. C’est une grande pièce, très mal éclairée pour moi, et de là où je me tiens je ne peux qu’entrouvrir et deviner un lieu teinté de luxure et d’excès.
Je reste sur le pas de la porte. La poignée dans la main, scrutant l’obscurité. Un pas en avant ou un pas en arrière ! Je reste chancelante sur la barre de seuil. Cela durera un mois. Un mois durant lequel je lis, je fouille, je découvre, j’explore, je me projette, je me confronte. Jusqu’à en avoir des nausées tant la variété et l’intensité des pratiques peuvent aller à l’extrême.
Le monde du BDSM est un monde perçu comme déviant par la majorité des non-initiés. Je ne faisais pas exception à la règle. Et il y avait cet homme devant moi, dont la légitimité en tant que Maître m’échappait complètement, mais il me plaisait , m’intriguait, et me parlait d’une manière belle, éducative et sincère de sa passion : la D/S.
J’appris ainsi que le BDSM avait de nombreuses ramifications, en largeur et en hauteur, que tous les goûts sont dans la nature même si certains nous paraissent incompréhensibles. Il ne peut, ne doit pas y avoir de jugement.
La phase de maturation
Celui qui deviendra mon Maître m’accorde autant de temps qu’il faut pour m’éclairer. Il répond à toutes mes questions, de plus en plus nombreuses, de plus en plus précises et affinées. Il sait déjà (il me la confirmé il y a peu) et mieux que moi, que je suis un terreau fertile. Véritablement. Que j’ai ça dans le vente. Pourtant, il ne fait aucun proselitisme. Ne cherche jamais à me convaincre ou à me « vendre » quelque chose. N’est jamais le premier à revenir sur le sujet. Il est purement informatif et réactif. Il est pédagogique et prend tout son temps pour m’informer. Ce fut déterminant car aucun signe d’influence ou de manipulation ne faisait surface. Nous étions sincères et confiants. J’avançais vers lui sans le savoir et en souhaitant très fort être « à la hauteur » de ce monde inconnu et effrayant.
J’ai vite été amoureuse de cet homme qui deviendrait mon guide. Qui l’était dès le premier jour en fait.
La bascule
Non, ce n’était pas magique. C’était même douloureux et effrayant, ce chemin. Mais je déteste échouer et ne pouvais pas m’engager à la légère. Je me suis donc immergée, saturée, surexposée à un monde qui m’apparaissait juste flippant. Je suis passée par toutes les couleurs de l’arc en ciel et j’ai beaucoup douté avant de pouvoir prendre ma décision en pleine conscience. Avec aplomb.
Le calendrier de mes grandes étapes pour entrer dans la D/s est, de ce fait, sans doute un peu particulier :
- Mai : je croise mon futur Maître. Il n’est alors qu’un prénom et nous avons peu d’échanges.
- Fin août : il me révèle sa nature dominante et ses pratiques D/s
- Mi septembre : nous nous embrassons. Nous ferons l’amour une semaine plus tard. Vanille, mais hard. J’aime presque tout. Quelques gestes me dérangent ou me font mal. Mais pas assez pour que je détourne de Lui.
- Fin septembre je lui demande de m’initier.
- Mi octobre il m’initie et me soumet pour réflexion un contrat de soumission, si je venais à vouloir donner suite à cette séance de découverte. En parallèle nous restons un jeune couple « normal ».
- Fin octobre je signe le contrat, non sans avoir demandé quelques aménagements et précisions, et je deviens soumise.
Sa soumise.
La sienne.
Sienne.
Dans un autre article vous trouverez le récit détaillé de mon initiation.
Q/R
, Q : Comment une personne comme vous « vanille » du jour au lendemain (6 mois), appréciez par exemple uro, sodomie, avaler. Ce sont des choses déjà faites avant, ou imaginer faire, mais enfouies en vous ?
R : J’avais déjà fait tout ça avant. Vanille ne veut pas dire coincée ou sainte nitouche. J’étais consciente de mon corps et des plaisirs qu’il pouvait procurer et me procurer et j’ai toujours aimé le sexe, j’avais donc naturellement essayé plusieurs pratiques que j’ai toutes aimées. C’est dans la D/S que j’ai pu m’apercevoir que l’on pouvait assembler toutes ces pièces du puzzle et que cela formait un ensemble cohérent pour moi !
Soumise Ayamé
En somme, si je suis aujourd’hui « Soumise Ayamé », c’est à mon Maître que je le dois. Non pas parce que je l’aime follement et qu’il me ravit d’être sienne au quotidien pour mille regards, raisons, preuves et attentions, mais parce qu’il est le meilleur guide possible en la matière et que j’ai eu l’immense chance de lui plaire suffisamment pour qu’il me transmette sa passion sans pour autant me « pousser dans le vide ».
Il est patient, légitime et juste. Il est mon Maître, c’est indéniable.
Je l’aime.
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